· 

Un club à part !

Patrice Reuschlé,  6e Dan UFA/Aïkikaï, patron de club de l’ACC Cheminots à Paris, est bien connu pour sa cordialité sans faille et sa disponibilité envers ses élèves. A 76 ans, il est toujours aussi investi envers ses clubs, qu’il enrichit encore cette année de nouveaux projets. Entretien avec un professeur à la vitalité hors du commun.

Patrice au dojo de la Porte de Charenton, à Paris
Patrice au dojo de la Porte de Charenton, à Paris

1. Patrice, bonjour : alors dis-nous un peu, quel est le secret d’une telle longévité ?

 

Il est vrai que cela fait plus de 27 ans maintenant que je dirige mes clubs ! C’est en 1996 qu’avec, à l’époque, mon monitorat fédéral puis mon Brevet d’Etat, j’ai commencé à gérer directement des sections d’aïkido et à enseigner dans des dojos de toutes les gares de Paris.

 

Mais c’est plus tard, en 2010, que j’ai créé l’Association Clubs Cheminots, pour regrouper toutes ces sections au sein d’une même association et leur assurer un avenir. Le dojo St Lazare par exemple, a été détruit par la SNCF il y a quelques années ; préserver mes sections pour mes élèves est au fil du temps devenu l’une de mes priorités.

 

2. Est-ce que je peux te demander de nous retracer un peu ton parcours et ce qui a motivé un si bel investissement ? 

 

Je suis parisien depuis toujours, mais j’ai découvert l’aïkido tardivement, vers 35 ans, dans un petit club du 12e arr. C’était en fait du Yoseikan Budo, de Maître Hiroo Mochizuki. En 1976, je découvre l’enseignement de Maître Nobuyoshi Tamura et débute parallèlement le karaté Shotokan. Puis, en 1982, je prends ma 1ère licence d’aïkido Aïkikaï auprès de Christian Tissier, où je suis resté jusqu’à ce jour.

 

Pour l’anecdote, j’ai suivi mon 1er cours d’aïkido, au milieu des années 60, au dojo situé rue de la Montagne Ste Geneviève (Paris, 5e arr.) qui existe toujours aujourd’hui. En 1972, en voulant pratiquer le judo à côté de chez moi, Place Daumesnil, j’ai rencontré Rémy Pierrard, qui était l’un des professeurs à l’époque et avait également monté une section d’aïkido. C’est lui qui m’a décidé à m’inscrire. 

 

3. Tu as donc pratiqué en même temps plusieurs arts martiaux ?

Oui, je crois que quand on aime les arts martiaux, un parcours est rarement linéaire… J’ai également débuté le judo en 1991 et le laïdo en 2004. J’ai toujours cru en une certaine complémentarité des disciplines martiales entre elles *. Je crois en la valeur de l’investissement.

C’est dans le même esprit que je me suis mis au shakuhachi, en 2008, même si ce n’est pas à proprement parler une discipline martiale ! (rires)

 

J’ai dirigé 2 années de suite un stage d’aïkido en Tunisie, à l’invitation d’amis tunisiens qui cherchaient à y développer la discipline mais qui n’avaient rien, aucun matériel… Pour moi, l’enjeu n’était pas d’en faire un métier – j’en avais déjà un ! – mais de partager une passion en servant de relai, autant que cela m’était possible.

 

Dojo d'été ! juillet-août 2023
Dojo d'été ! juillet-août 2023

     4. Que viennent chercher, à ton avis, les pratiquants qui s’inscrivent dans tes clubs ?

De même que j’ai cru toute ma vie en la fidélité dans l’investissement au travers de mes différentes pratiques martiales, je crois que c’est un relationnel de qualité, qui va avant tout souder un groupe et le pousser vers la persévérance. C’est lui qui va tisser un lien solide entre des aspirations pas toujours très précises au départ, et leur donner un  épanouissement à travers la technique ; avec toujours, en toile de fond, de la bienveillance et de l’attention portée à chacun individuellement.

 

    55. Comment conçois-tu ton rôle d’enseignant, et de pédagogue ?

 

Je dirais qu’enseigner, c’est avant tout donner, essayer de transmettre au mieux ce que l’on a reçu. Le technicien que je suis va s’attacher à déceler et lever les blocages dans la compréhension du mouvement. Être pédagogue, c’est savoir rassurer ses élèves et explorer différentes pistes pour faciliter la compréhension, mais aussi éviter les conflits et maintenir l’harmonie au sein du cours.

 

6. Formes-tu en continu de nouveaux enseignants ? Pourquoi ?

 

L’aïkido évolue, mes élèves aussi. Certains se tournent alors vers l’enseignement et j’ai à cœur de les accompagner dans cette démarche. Ils peuvent à leur tour proposer leur propre vision, fruit de leur cheminement, au sein des différents cours. Cela diversifie les approches et enrichit le club. Cela permet aussi de proposer des approches modernes, de même que la société évolue en permanence.

 

J’ai à cœur de développer mes clubs pour leur permettre de se pérenniser dans le temps. C’est pour cela que je suis présent notamment sur les forums du 12e et du 10e arr., pour faire le lien avec les nouveaux arrivants, curieux de ce que propose la discipline. C’est pour cela aussi que je propose cette année de nouveaux créneaux, au dojo Althéa Gibson à Bercy, notamment un cours Enfants, chose que je n’avais plus fait depuis quelques années. L’avenir, c’est la jeunesse, et je vois croître les demandes pour ce type de public.

 

Au forum 2023 du 10e arrondissement
Au forum 2023 du 10e arrondissement

7. Penses-tu que l’enthousiasme, la volonté d’aller toujours de l’avant, est un pilier fondamental pour que l’aïkido continue d’exister ?

 

Il est vrai que j’aime à entretenir au sein de mes clubs une dynamique de bonne humeur. Je me suis investi à créer et maintenir une certaine convivialité, qui amuse d’ailleurs les témoins qui voient passer des photos mémorables de nos pots sur les réseaux sociaux (rires).

Derrière cela, il y a en fait une valeur de partage, qui me tiens à cœur, parce qu’elle intervient en complément d’un travail technique exigeant. Je tiens à ce que mes élèves puissent être fiers de leur travail, vis-à-vis d’eux-mêmes, de leurs professeurs, de leur club. Mais pour être bien reçu, ce travail doit s’accompagner d’une ouverture aux autres, d’un temps d’écoute et de partage, suivant en cela la tradition de l’aïkido qui est fondamentalement une discipline relationnelle, avec une dimension d’accueil, sans jugement.

 

Avec Sébastien Gervais, au dojo de Bercy
Avec Sébastien Gervais, au dojo de Bercy

 

Dans le même esprit, j’organise deux fois par an un stage d’un week-end en Sologne, où chacun peut profiter – en plus d’un cadre verdoyant assez appréciable pour nous, gens des villes ! – d’une atmosphère sereine, propice à la pratique, mais qui est aussi un temps pour se retrouver.

 

8. Qu'est-ce qui t'intéresse, aujourd'hui, dans la pratique ?

C’est un ensemble de choses mais fondamentalement, je crois que c’est la rencontre avec l’autre. Je n’ai jamais été quelqu’un d’agressif et l’aïkido, paradoxalement pour un art martial, façonne toujours plus d’ouverture. Ce qui est sûr, c’est que si au début j’avais envie de montrer que j’étais bon aux autres, maintenant j’aime à décortiquer, à apprendre et comprendre sans fin…

 

* Patrice est ceinture noire de judo, de karaté et de laïdo, qu’il a pratiqués en compétition. Il a également un grade avancé au shakuhachi, qu’il aime pratiquer quotidiennement. En 2018, il commence à pratiquer le yoga Asthanga.

 

 

Propos recueillis par Florence Pérochain

Site internet : Aikidopatrice.com

Instagram : #Aikidopatrice

Tiktok : @aikidopatrice

 

Écrire commentaire

Commentaires: 3
  • #1

    C.Remmers (jeudi, 21 septembre 2023 20:03)

    Bravo pour cet engagement, l’article reflète bien l’esprit de son enseignement et l’atmosphère de partage qui est présente dans ses club.

  • #2

    Redac.aïki (jeudi, 21 septembre 2023 22:21)

    Merci pour ce retour.
    Un succès jamais démenti autour de valeurs fortes, de respect et d'échange.
    Des valeurs à préserver, précieuses, tant elles font la qualité d'un enseignant...

  • #3

    Yamina.aïkido (samedi, 23 septembre 2023 08:22)

    Merci à toi Patrice
    Une belle passion avec un grand esprit de transmission et de partage font de toi une très belle personne.
    Merci �
    Amitiés
    Yamina