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Un très bel Ikkyo dans un épisode de Daredevil

C'est vrai, quand on pratique un art martial, on a envie parfois, ne serait-ce que pour rêver, de voir ce que la technique peut donner « dans l'action ».

 

On se prend à regarder les séries de la télé, pour voir de vraies bastons : méchant contre gentil, pif paf, ça y est, c'est fait et le méchant rentre sagement dans sa tanière.

 

Le héros l’air de rien, ne se fatigue pas vraiment. Il vous sort un panel de techniques et on y croit à fond ! On voudrait bien savoir tout faire pareil.

 

Avec l’aïkido, tout est toujours un peu plus compliqué : art de défense, on le sait, qui ne sert pas tel quel dans la vraie vie... qu’on travaille donc plutôt pour les principes.

 

Pour voir de l'aïkido, on ne sait pas où chercher. Il y aurait bien les films de Steven Seagal. Mais comme déjà le monsieur est baraqué, qu’il va très vite, ce n'est pas bien convainquant. Il peut bien nous montrer un peu  ce qu’il veut, si ça ne va pas, tant pis, on ne remarque rien. Dans l'entre deux, pour tout régler, il cogne.

C'est un bon point pour l’efficacité. Pour le rêve non-violent en revanche, c’est moyen.

 

Mais ces temps-ci, surprise, il y a Netflix – la chaîne internet pleine de séries – et son lot de personnages de Comics. Le scénario, à tout prendre, est plutôt bon, on se prend à y croire, à espérer, on veut la voir, la technique !

C'est comme ça que par hasard, un soir, c'est arrivé : l'impensable se produit, quand je suis devant mon petit écran.

 

Un très bel Ikkyo. Dans un épisode de Daredevil.

 

Effectivement, dans l’épisode 7 de la saison 1 (Etats-Unis, 2015), le justicier aveugle (quel symbole !), interprété par Charlie Cox, retrouve son mentor (Scott Glenn) qu’il accuse de l’avoir abandonné et le saisit brusquement à l’épaule (minute 24.44).

Ni une, ni deux, ce dernier lui retourne le coude et l'écrase sur la table, derrière lui.

Hop ! Emballé, c’est pesé. Ikkyo. Un vrai cas d’école. Tout dans le mouvement, comme on nous l'apprend sur le tatami. L’effet « ken (1)* » est flagrant, instantané ; un temps fort qui fonctionne bien à l'image.

Instant magique.

 

Ouais !!! Alors c'est vrai, ça y est, dans les films, maintenant, on peut voir de l’aïkido ? Même tout droit sorti de l'Aïkikaï (2)* ?

 

Il y a le contexte, il faut dire. Tout un programme :  le maître qui ne veut pas lui faire de mal (enfin pas de trop) ; l’élève ivre de rage qui a besoin d’une leçon ; toute une scène basée sur l’Intention, qui soutient le dialogue entre les personnages.

Une bagarre qui a du sens. Du sens dans l’action. On ne peut plus s’en tenir à cogner.

 

 

Des scènes d’aïkido, dans les films et séries, on pourra certainement en trouver d’autres. Ne serait-ce que pour le désarmement : l’attaquant au couteau, pif, je rentre, je te lui retourne le poignet, kotae gaeshi (Regardez le Transporteur, par exemple).

 

Est-ce que c’est vraiment de l’aïkido ? On n’en est pas bien sûr ; au Ju Jitsu aussi, ils utilisent ce genre de technique. Au Krav Maga allez, puisque c’est une synthèse de plusieurs arts martiaux. On reprend les principes. Et on les fait rentrer dans une technique qui marche. C'est ce qu'on appelle chez nous l'Application.

 

Mais une forme aussi épurée qu’Ikkyo, tout dans le principe, comme sur le tatami, alors là vraiment c’est une première. Dans « arts martiaux », il y a « art », ou comment la technique vient soutenir un propos : celui de la scène, ici, du scénario ; la représentation télévisée.

La représentation. Si c’était ça, la clé ? Faire appel à une forme symbolique, pour servir l’émotion et la faire partager au spectateur ?

 

Et si on en revenait aux principes, même dans les films d’action, dès qu’on s'intéressait aux relations et aux enjeux entre les personnages ? Comme dans le cas présent, où l'influence du maître agit sur son disciple...

 

Ce qui est sûr, c’est qu'Ikkyo, quand on le voit à l'écran, c’est du rapide. Ça ne dure qu’un instant. Puis, fondu-enchaîné. On passe à quoi, ensuite ? Scène de flashback : le héros se revoit petit, revit son entraînement. Bingo, ça doit être ça. Tout ça grâce à Ikkyo. Quand même, pour une technique, il fallait oser.

 

Un tournant dans la scène, comme le coude retourné, qui crée une transition pour le spectateur.

 

On est pris par Ikkyo. Et on se retrouve ravi, dans notre peau de pratiquant de dojo, qu’une petite démonstration de travail de base affirme si bien sa suprématie.

 

 

 

(1) *Ken : sabre.

(2) *Aïkikaï : Organisation créée en 1940 par Kisshomaru Ueshiba, avec l'appui de son père, pour promouvoir le développement de l'aïkido.

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Mathieu Guillochon (lundi, 27 mars 2017 11:48)

    C'est bien, ton article fais vivre ton site, il faut que je trouve le moyen d'en faire autant. Déjà peaufiner le mien et faire vivre.
    Sinon tu ne me feras pas regarder un film de Seagall, c'est vraiment pas bon je trouve, un peu facho même pour ce que j'en connais.
    Très bon article, ce que tu décris comme technique de désarmement rappelle effectivement des scènes d'action dans de nombreux films, et l'idée développée autour de l'application et de la représentation est intéressante, d'autant plus que s'affirme la suprématie du non-violent, que c'est celui qui n'agresse pas qui vainc, ce qui nous change dans ce monde de brutes.
    Bises
    Mathieu.